L'élimination précoce et humiliante des Lions de l'Atlas dès le premier tour de la 28è édition de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN), qui s'est tenue récemment au Gabon et en Guinée équatoriale, a suscité débat et controverse au sein des Marocains, toujours sous le choc, s'interrogeant sur le salaire perçu par l'entraîneur national, le Belge Eric Gerets.

D'aucuns estiment que ce salaire "heurte les sentiments des Marocains" alors que d'autres considèrent qu'il s'agit d'un "secret d'Etat" et un mystère et nul n'est parvenu encore à préciser le réel salaire de Gerets. Certains l'estiment à 1,8 million de DH, alors que d'autres avancent des chiffres allant de 2,5 et 2,7 millions voire même 3 millions de DH. Seule la Fédération Royale marocaine de football (FRMF) "détient la vérité" et la raison de la non divulgation du salaire du coach national. Le chef du gouvernement, M. Abdelilah Benkirane, a affirmé que le secret entourant le salaire de l'entraineur du onze national était "inacceptable".

Dans une interview accordée récemment au quotidien Al Massae, M. Benkirane a reconnu ne pas être au courant du salaire exact de Gerets.

"Jusqu'à présent, je ne sais pas si le montant du salaire dont on parle est exact ou non, mais il parait que la FRMF s'était mise d'accord avec Gerets pour que le salaire de ce dernier ne soit pas divulgué et il s'agit là d'une erreur", a dit le Chef du gouvernement qui a fait observer qu'il abordera cette question lors de l'octroi de la subvention du gouvernement à la Fédération.

Dans son intervention devant le parlement, l'ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat, avait refusé de dévoiler le salaire du technicien belge, estimant qu'une clause du contrat, exigée par Gerets, prévoit la non divulgation du salaire de ce dernier. Belkhayat avait toutefois indiqué que le salaire n'atteint pas le montant de 2,5 millions de DH avancé par certains organes de la presse.

L'actuel ministre de la Jeunesse et des sports, M. Mohamed Ouzzine a estimé, pour sa part, que le salaire de l'entraineur n'était pas un tabou mais la confidentialité du montant du salaire a mis dans l'embarras le gouvernement actuel qui n'est pas responsable de la signature du contrat avec Gerets.

Dans son intervention à l'occasion de la journée d'étude, organisée le 8 février dernier à Rabat par les groupes parlementaires de la majorité à la Chambre des Représentants, sur le thème "le sport marocain : réalité et perspectives", M. Ouzzine avait mis l'accent sur la nécessité de consacrer les principes de bonne gouvernance dans la gestion de la chose sportive, en vue de réaliser la renaissance sportive escomptée, indiquant que "le sport dans notre pays souffre d'une tare sur le plan de sa gestion et de sa gouvernance".

De son cô té, le président de la FRMF, Ali Fassi Fihri a affirmé, à maintes reprises, que "le contrat signé avec Gerets comprend une clause de confidentialité sur son salaire et qu'on ne peut en dévoiler la teneur sans le consentement de l'intéressé".

Pour certains parlementaires, le salaire colossal de Gerets constitue "un manque de respect" à l'égard des techniciens marocains, dont certains avaient dirigé le Onze national et réalisé des résultats positifs, mettant en exergue la nécessité de lier la responsabilité à la reddition des comptes, notamment au niveau de la gestion financière des Fédérations et des clubs.

Le sélectionneur national, qui considère que son salaire est une affaire personnelle, s'était insurgé lors d'un point de presse tenu récemment contre la publication par certains organes de presse d'une copie de son relevé bancaire pour le mois de février dernier contenant un virement de 276 millions de centimes, soulignant qu'il intentera une action en justice contre X.

Dans ce sens, M. Moncef El Yazghi, spécialiste des politiques publiques et des lois sportives, a considéré que la problématique ne réside par dans le salaire de Gerets, équivalent aux salaires de 11 entraineurs ayant participé à la CAN-2012, mais renvoie plutô t à l'attitude de la FRMF qui persiste à garder secret le salaire de l'entraineur, un fait unique, selon cet expert.

Le rédacteur en chef du bi-hebdomadaire sportif "Al Mountakhab" et président de l'Association marocaine de la presse sportive, M. Badreddine El Idrissi, soutient que les Marocains ont le droit de connaitre le salaire du sélectionneur national, abstraction faite de la clause de confidentialité, appelant à l'adoption d'une nouvelle approche ayant trait à la conclusion des contrats, qui soit basée sur la transparence et la clarté.

Le chef du service sports au quotidien Risalat Al Oumma et membre du bureau exécutif de l'Alliance marocaine des journalistes sportifs, Abdellatif El Moutawakil affirme, pour sa part, que la FRMF est dans l'obligation de divulguer le salaire des entraineurs étrangers qu'elle a engagés et de définir les responsabilités dans ce cadre, notant que la Fédération internationale de football (FIFA) n'intervient nullement dans les salaires des entraineurs.

La polémique autour des salaires de Gerets et de l'entraineur national olympique, le Néerlandais Pim Verbeek s'est amplifiée en raison du manque de moyens financiers de certains clubs nationaux à l'image du Moghreb de Fès (MAS), vainqueur de trois coupes cette saison et qui traverse actuellement une grave crise financière qui pourrait faire capoter sa saison et pousser les joueurs à quitter le club. Les joueurs du MAS, vainqueurs en décembre dernier de la Coupe de la CAF, puis de la Coupe du Trô ne et de la Super Coupe en février, étaient à deux doigts de boycotter le derby de la capitale spirituelle du Royaume contre leur voisin du Widad de Fès, pour non perception des arriérés de salaires et des primes.