A l’entame de Roland Garros 2011, les amoureux du tennis national se souviennent avec nostalgie des exploits des marocains à ce tournoi prestigieux. Pourtant, Réda ElAmrani, seul qualifiable à ce tournoi grâce à ses points, a participé, mais à été éliminé prématurément, certainement à cause de sa blessure qui ne lui a pas permit de se préparer correctement.

Les français ont aussi un sentiment de frustration, et confondent sans doute résultats individuels et santé national d’un sport, quand ils sont déçus de ne jamais avoir de vainqueur d’un Grand Chelem, en tout cas depuis l’exploit isolé de Noah en 1983, alors qu’ils inscrivent 9 joueurs dans le top-100, dont 5 dans le top-25.

Cela tient du fait que le tennis est un sport individuel, qui entraîne par conséquent  que les lauriers d’un exploit individuel ne peuvent être attribués à une structure, mais au joueur lui-même, tandis que l’action d’une structure est  plutôt évaluée sur un groupe de joueurs. On ne peut pas par exemple prétendre que la Suisse soit un pays ténor dans le tennis, sous prétexte que Federer fut durant plusieurs années numéro un mondial … Il y a probablement un effet d’entraînement parfois, car il est possible que Wawrinka soit rentré dans le top-25 grâce à Federer, ou grâce à une orientation tennistique nationale qui a su utiliser ce liant. Et sans doute même que ce même liant pour les hommes fut inspiré bien plus tôt, lorsque pour les dames, Martina Ingis ait survolé le tennis féminin quelques années avant l’apparition de Federer.

La frontière entre résultats individuels et résultats de groupe n’est donc pas évidente. Si l’on revient aux critères de groupe, et si l’on juge qu’à partir de 2 dans le Top-100, les actions d’une politique nationale de tennis commencent à porter leurs fruits,  nous sommes déjà réduits à 15 pays dans le monde qui y répondent au 16 mai 2011 :

1.    Espagne,     14 dans le top-100 (dont 4 dans le top-25)
2.    France,     9 dans le top-100 (dont 5 dans le top-25)
3.    Etats-Unis,     9 dans le top-100 (dont 2 dans le top-25)
4.    Allemagne,     9 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
5.    Argentine,     7 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
6.    Russie,     6 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
7.    Italie,         4 dans le top-100 (dont 0 dans le top-25)
8.    Serbie,     3 dans le top-100 (dont 2 dans le top-25)
9.    Ukraine,     3 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
10.    Croatie,     3 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
11.    Suisse,     2 dans le top-100 (dont 2 dans le top-25)
12.    Rep.Tchèque, 2 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
13.    Autriche,     2 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
14.    Brésil,         2 dans le top-100 (dont 1 dans le top-25)
15.    Belgique,     2 dans le top-100 (dont 0 dans le top-25)
16.    Kazakstan,     2 dans le top-100 (dont 0 dans le top-25)

Ceci donne plusieurs enseignements. D’abord, il est très difficile pour une Nation d’inscrire deux joueurs dans le top-100. Ensuite, seuls quatre pays peuvent servir réellement de modèle dans leur structure nationale de ce sport, et de façon équivalente : L’Espagne, la France, les Etats-Unis et l’Allemagne, destinations qui sont strictement équivalentes pour des joueurs visant à se perfectionner par immersion.

En analysant le reste, il est clair que plusieurs pays répondent à cet instant à ce critère, mais ne pourront pas le demeurer longtemps. Et que dire de la Grande Bretagne, qui aujourd’hui, n’a qu’un seul joueur dans le top-100, qui plus est, est 4ème mondial. Le public anglais criera-t-il au scandale à la fin de la carrière de Murray, si durant cinq années, aucun joueur ne sera dans le top-100, tandis qu’ils ont inventé ce sport et hébergent Wimbledon, sans doute le plus prestigieux des Grands Chelem ? Les anglais blâmeront-ils l’échec d’une politique sportive qui a installé des infrastructures, des tournois, mis en œuvre des encadrements qui ne portent aucun fruit ?

Le cas particulier du Maroc est intéressant. En effet, nous aurions pu être classés à une époque 8ème pays dans ce critère, grâce aux trois mousquetaires, puisque le Maroc avait placé trois joueurs dans le top-100 dont deux dans le top-25, à plusieurs reprises. Ceci explique qu’en Coupe Davis, le Maroc ait participé plusieurs fois au groupe mondial.
Mais avant de parler de relève, il y a plutôt, comme la Suisse, un potentiel individuel tennistique, qui peut créer occasionnellement un génie, qui aura l’effet d’entraîner avec lui d’autres champions de grande valeur, sans pour autant assurer une continuité à ce niveau. Seuls quatre pays en sont capables aujourd’hui, et on voit d’ailleurs les difficultés d’un pays comme les Etats-Unis qui observe un passage à vide dans le top-25.

Le véritable enjeu réaliste pour le Maroc est d’installer quatre joueurs dans le top-200, et il est sur la bonne voie avec Réda ElAmrani. Ceci lui permettra d’asseoir durablement un niveau déjà très bon (dans les 50 mondiaux en terme de nation tennistique), et espérer atteindre le top-100 occasionnellement, puis régulièrement …. Nous ne sommes donc pas dans un contexte de relève, mais de construction autour d’un niveau réel et légitime qui doit se pérenniser pour l’augmenter progressivement. A partir de là, nous pourront enfin parler de relève si nous traversons une période de vache maigre, ou un creux de vague temporaire, comme le vivent aujourd’hui les Etats-Unis, toute proportion gardée.

Evoluer dans le top-200, pour un joueur, lui permet déjà de bien se comporter dans un tournoi challenger, et de jouer les qualifications des Grands Chelem. Sa visibilité est donc assurée dans le contexte actuel national, et impulse un effet d’entraînement plus global dans la pratique de ce sport, car bien évidemment, l’augmentation du nombre de licenciés est la base de toute construction durable.